Townley Le Guénédal, CEO de Skarlett
Vendre son bien à + de 60 ans, rester chez soi, profiter de la vie !
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Ton parcours ?
J'ai 35 ans, je suis diplômé d’une école de commerce (ESC Reims), que j’ai complété par une formation dans une école d'ingénieurs (Centrale Paris).
Après mes études, j’ai rejoint un cabinet de conseil en stratégie à Londres, fondé par d'anciens employés de McKinsey (3H Partners). J’y suis resté pendant presque 3 ans et je suis revenu en France au moment du Brexit même si les deux événements ne sont pas liés !
Après être revenu à Paris, j'ai fondé ma première entreprise, InnoHealth, qui développe des solutions logicielles en Saas, facilitant la gestion de la recherche en cancérologie. J'ai ensuite cédé cette activité pour lancer Operandi, un cabinet de conseil en stratégie et en droit des affaires, un lien pour moi entre l’entrepreneuriat et le conseil. Enfin, depuis la fin de l'année dernière, je me suis lancé, avec Benjamin Gaignault et Aurélien Gouttefarde, dans une nouvelle aventure Proptech : Skarlett.
Léo-Pol : Un mot sur tes deux associés ?
Townley : Aurélien a fondé Homeloop (qu’il a quitté l’année dernière), une entreprise spécialisée dans l'achat et la revente rapide de biens immobiliers, une sorte de marchands de biens 2.0. Ils ont été les premiers à lier un fonds d'investissement à leur plateforme pour réaliser leurs transactions spécifiques rapidement.
Benjamin quant à lui a lancé Ornikar, start-up pionnière de l’auto-école en ligne, devenue également depuis assureur automobile et première auto-école française.
Avec Aurélien et Benjamin, on se connaissait déjà assez bien d’avant, sur un plan plus personnel. Avec nos visions d’entrepreneurs, on s’est rapidement retrouvés sur un point de convergence : on avait envie d’offrir aux personnes âgées de plus de 60 ans, une tranche d’âge en pleine expansion (18 millions de personnes en France !), des solutions plus adaptées à leurs besoins, notamment pour libérer leur pouvoir d’achat.
La mission de Skarlett ?
Notre mission chez Skarlett, c’est d’aider les personnes âgées de plus de 60 ans, que nous appelons les "jeunes de plus de 60 ans", à faire face à leurs difficultés financières après leur retraite ou simplement à financer des projets. On veut créer tout un écosystème qui leur permette de retrouver du pouvoir d'achat et profiter pleinement de la vie.
Le premier service de Skarlett concerne l'immobilier. Notre objectif est de développer le concept d'"equity release" sur le marché français, qui consiste à utiliser intelligemment son patrimoine immobilier, sa maison ou son appartement, comme un moyen pour dégager des liquidités sans pour autant avoir à le quitter. En France, les propriétaires de plus de 60 ans représentent 13 millions de personnes, pour un patrimoine estimé à 3 300 milliards d'euros (soit 1,25 fois le PIB français !).
Léo-Pol : Peux-tu définir l’"equity release", son fonctionnement ?
Townley : Les ventes en viager, en nue-propriété, les ventes à terme et les prêts viagers hypothécaires sont quatre familles de solutions qui ont toutes le même objectif : utiliser sa maison comme levier pour continuer à en profiter tout en générant des revenus immédiats.
Ce ne sont pas des solutions nouvelles mais elles sont largement sous-exploitées. Le marché du viager en France représente environ 6 000 transactions par an par exemple. Cela s’explique notamment par la relation personnelle qui peut sembler “morbide” entre l’acquéreur et le vendeur. Au fond, on mise sur la mort d’une personne pour devenir propriétaire... Sans compter qu’il existe des préjugés spécifiques à la culture française, alimentés par des films (Le Viager par exemple) ou par le cas de Jeanne Calment (morte à l’âge de 122 ans !) qui avait vendu sa maison en viager. Les acteurs historiques du marché n'ont pas toujours agi de manière transparente non plus.
Là où notre approche est innovante, c’est qu’on démystifie totalement le viager : on est pédagogues, l’idée est d'éduquer les propriétaires français de plus de 60 ans sur les nombreuses possibilités qui leur permettent de rester chez eux tout en dégageant des liquidités. On a une approche très digitalisée et transparente, notamment sur notre méthodologie de calcul de décote, basée sur un algorithme qui prend en compte l'emplacement du bien, sa typologie, l’âge du vendeur, etc.
La deuxième innovation, c’est que 100% de nos transactions sont réalisées avec un réseau de fonds d'investissement partenaires, qui accèdent aux biens qui nous sont confiés via notre plateforme. Cela crée des ventes plus sécurisées, puisque ces investisseurs multiplient les viagers et donc mutualisent leurs risques, notamment sur la sur longévité.
Le déclic qui vous a décidé à lancer Skarlett ?
Dès le départ, nous nous sommes intéressés aux personnes de plus de 60 ans parce que nous avons fait trois constats :
Près d'un tiers de la population française fait partie de cette tranche d'âge.
80 % des Français désirent vivre chez eux le plus tard possible.
Entre le dernier salaire perçu et la première pension de retraite, on perd en moyenne 33 % de son pouvoir d'achat, mais cette diminution peut aller jusqu'à 50 % !
Ça donne à réfléchir ! On s’est donc demandé comment leur redonner des ressources financières et la réponse a été relativement évidente. Puisque la véritable richesse des Français de plus de 60 ans réside dans leur patrimoine immobilier, c’est lui qu’il fallait utiliser intelligemment.
Le business model de Skarlett ?
Nous sommes une plateforme qui agit uniquement en tant qu'intermédiaire. D'un côté, nous identifions les biens des propriétaires de plus de 60 ans, en direct ou via une agence immobilière. De l'autre côté, nous vendons ces biens aux fonds d'investissement connectés à notre plateforme.
On a donc un business model très traditionnel dans le monde de l’immobilier : lors de la vente, le client reçoit ce qu'on pourrait appeler une offre "frais d'agence inclus" puisque le fonds d'investissement fait une offre au propriétaire qui inclut déjà nos honoraires. Ce sont donc les fonds d'investissement qui paient nos honoraires.
Si nous travaillons avec une agence immobilière sur un dossier, qu’elle participe à la rencontre et à la découverte avec le client, et que cette vente aboutit, les honoraires Skarlett sont partagés avec cette dernière.
Depuis le démarrage, comment le produit a évolué ?
On affine et on perfectionne progressivement notre offre bien sûr, mais nos quatre principales gammes de produits sont restées les mêmes depuis le début. Ce qui évolue, c'est le nombre croissant d'investisseurs que nous rencontrons et que nous regroupons sur notre plateforme, ce qui nous permet d'accéder à davantage de biens. Si nous n’avions qu’un seul gros investisseur, nous serions obligés de sélectionner des biens immobiliers respectant ses préférences spécifiques. Avec une dizaine d'investisseurs, nous pouvons multiplier les critères de sélection et ainsi répondre plus facilement aux demandes de nos clients.
La stratégie d’acquisition ?
En ce qui concerne l'acquisition de clients, nous avons trois principaux axes : la communication off-line, la communication on-line et enfin le partenariat, notamment avec des agences immobilières.
Nous utilisons la télévision, la presse et la radio pour expliquer ce que Skarlett propose. J'ai eu la chance d’être invité plusieurs fois sur BFM, on a fait paraître des tribunes dans Les Échos, on va apparaître dans Challenge, je suis passé récemment sur Europe 1...
Ensuite, nous nous concentrons sur le marketing online. Étant une start-up tech et digital native, notre site concentre la majeure partie de notre contenu. On propose du contenu explicatif sur nos solutions et l'intérêt qu'elles présentent pour les propriétaires français. On utilise des techniques de référencement (SEO) et d'autres outils pour accroître la visibilité de notre marque.
Pour finir, on établit des partenariats avec les agences immobilières locales de différentes villes et des conseillers en gestion de patrimoine (CGP), à qui on fournit les outils et les moyens pour entamer une première discussion sur la vente en viager avec leurs clients et à qui on propose d’externaliser la transaction, grâce aux solutions Skarlett. Les mécanismes du viager, de la vente en nue-propriété, voire du prêt viager hypothécaire, semblent toujours exotiques pour ces agences. Pourtant, de nombreux clients sont très intéressés par ces solutions et le métier d'un agent immobilier reste principalement de comprendre son client et d'apporter des solutions efficaces pour réaliser des ventes !
Bien sûr, nous partageons les honoraires avec ces agences ou ces conseillers en gestion de patrimoine, en tant qu’apporteurs d’affaires.
4 chiffres sur votre activité ?
4 millions d'euros levés il y a 2 mois, ce qui nous permet de lancer pleinement l'activité et de recruter.
Une équipe d’une dizaine de personnes à Paris.
+300 dossiers clients en cours d’étude
Un objectif d’une vingtaine de collaborateurs d'ici la fin de l'année.
Comme je te le disais, on se voit plutôt comme un écosystème pour les personnes de plus de 60 ans. On vise à diversifier nos activités et nos services avec notamment des activités d’assurance santé, dès la fin de l’année.
La plus grosse erreur depuis vos débuts ?
En France, l'immobilier est au cœur des préoccupations familiales, or les français ont tendance à penser que faire une vente en viager ou en nue-propriété équivaut à déshériter, ce qui pour nous est un mauvais calcul. Selon les notaires avec qui nous avons travaillé, 8 maisons sur 10 héritées d'un parent à un enfant sont finalement vendues en France, parce que les enfants ne souhaitent pas partager la maison ou n'ont pas les moyens de l'acquérir. Parallèlement, peu de gens savent qu’il est possible de donner jusqu'à 100 000 euros par personne et par enfant tous les 15 ans. Imaginons un couple, qui a deux enfants et une maison d'une valeur d'un million d'euros. S’il opte pour une vente en nue-propriété sur laquelle il récupère 700 000 euros, il peut immédiatement donner 400 000 euros à ses enfants (2 x 2 x 100 000€) ! En somme, faire un viager ne signifie pas priver ses enfants, mais plutôt leur permettre de bénéficier d'une transmission anticipée et surtout défiscalisée !
Cela dit, notre objectif n’est pas seulement de penser à la génération d’après. C’est aussi de soutenir financièrement ce segment de personnes de plus de 60 ans pour qu’elles puissent pleinement profiter de la vie, sans être mises en standby jusqu'à la fin.
Le challenge des 3 prochains mois ?
En ce qui concerne notre activité immobilière, nous sommes déjà opérationnels et les résultats sont très encourageants malgré notre lancement récent. Notre objectif est d'établir une présence solide en France et de devenir une référence pour les projets immobiliers des personnes de plus de 60 ans.
Comme je te disais, nous avons également prévu d'initier en novembre nos premières transactions sur un produit d'assurance santé qui révolutionne la façon dont les assureurs s'adressent aux personnes de plus de 60 ans. Il faut savoir que lorsque vous prenez votre retraite, c'est à vous de choisir votre mutuelle et d'en supporter tous les coûts. Bien souvent, les gens optent pour la continuité, et souscrivent un nouveau contrat de mutuelle peu ou prou identique au précédent, c’est-à-dire celui que leur employeur finançait. Or, ces mutuelles sont standardisées et ne sont pas spécialement conçues pour répondre aux besoins particuliers des personnes de plus de 60 ans, qui font face à des problématiques de santé différentes de celles que l’on rencontre à 40 ans.
Coordonner au moins deux activités, voire plus, représente un défi que nous avons pris en compte dès le début. On escompte sur le fait que, comme tous nos clients ont plus de 60 ans, cela va naturellement créer des synergies et faciliter les ventes croisées.
Comment tu vois Skarlett dans 3 ans ?
Notre objectif est de devenir le pionnier de l’”equity release” en France et l’acteur de la Proptech leader dans le domaine de l'immobilier pour les personnes de plus de 60 ans. Contrairement au Royaume-Uni, où il représente un marché estimé à 6 milliards d'euros, le marché français atteint seulement quelques centaines de millions d'euros pour le moment. Et ce malgré une population similaire à celle de l'Angleterre. On voit donc l’”equity release”pour les personnes de plus de 60 ans comme une niche nouvelle et très prometteuse.
Le domaine de l'assurance santé est un marché très concurrentiel et bien développé en France où de nombreux acteurs existent et qui génère plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires. Notre objectif n'est pas nécessairement de devenir le leader absolu dans ce domaine colossal, mais plutôt de devenir une référence et peut-être même un leader sur notre segment spécifique, à savoir l'assurance pour les personnes de plus de 60 ans.
Une grosse opportunité sous-exploitée dans le marché immobilier en France selon toi ?
Deux sujets me viennent à l'esprit. Le premier concerne ce que les Américains et les Anglais appellent le "fractional ownership". L'idée est de découper une propriété en parts et de les vendre, par exemple 20% à tes parents, 20% à un ami, 20% à un investisseur, etc. pour obtenir des liquidités. En France, le "fractional ownership" est un peu compliqué en raison des contraintes du droit immobilier. La solution consiste généralement à créer une SCI (Société Civile Immobilière), et à vendre des parts de cette société immobilière. Rien de bien souple ! Je pense qu’il faudrait trouver les moyens de faciliter le "fractional ownership" en France, en permettant aux propriétaires de diviser leur propriété en parts et de les commercialiser pour se financer.
Le deuxième sujet qui pour moi est porteur d'opportunités est ce que nous pourrions appeler la "propriété dégressive". Actuellement, il existe de nombreuses start-ups qui aident les primo-accédants à devenir propriétaires, ce qui est le rêve de nombreux Français. À l’inverse, j’ai plutôt envie de remettre en question le mythe de la propriété. Être propriétaire n'est pas toujours avantageux, surtout lorsque l'on vieillit : il y a de nombreuses contraintes économiques et fiscales, des responsabilités quotidiennes… Nous pensons que ce qui compte réellement dans la propriété, c'est l'usage, c'est-à-dire la possibilité d'habiter et d'utiliser ce logement. C’est la raison pour laquelle nous promouvons l'idée de la "propriété dégressive", c'est-à-dire la possibilité de devenir progressivement moins propriétaire de manière intelligente. Par exemple, le viager ou une nue-propriété est une forme de "propriété dégressive" intéressante d'un point de vue économique.
Les nouveaux moyens techniques d'échange de parts de propriété via la blockchain, la tokenisation, offrent d’ailleurs des possibilités à fort potentiel pour mettre en place une "propriété dégressive" ou le "fractional ownership". Nous suivons de près ces développements car cela fait partie de notre domaine d'expertise.
Le mantra qui te met Super biens ?
Permettre à nos parents et grands-parents de profiter pleinement de la vie ! C’est avant tout notre mission mais c’est presque comme notre mantra. Le temps de la vie après 60 ans ne se résume pas uniquement à la dépendance et aux besoins médicaux. Il englobe bien d'autres aspects, tels que les voyages, les projets personnels et l'accompagnement de sa famille. C'est une période de vie qui s'allonge constamment, dans laquelle se trouvent de plus en plus de personnes. Je trouve qu’il est temps de changer les préjugés associés à cette “séniorité” et de donner les moyens à ce segment de population de vivre pleinement.
Intéressé(e) par les services de Skarlett en tant que professionnel(le) (agence immo, CGP, Syndic…) ? Contactez-les directement sur leur page partenaires pour créer un partenariat durable et développer votre activité auprès des plus de 60 ans.
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