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Ton parcours ?
Je suis ingénieur de formation. J’ai obtenu mon diplôme en 2005, soit entre l’éclatement de la bulle internet en 2002 et la crise financière de 2008 : une période qui me semblait assez peu propice à l’entrepreneuriat (ce qui était une erreur avec le recul) ! J’ai donc commencé ma carrière en tant que développeur en SSII, en prestation chez Orange (France Télécom à l’époque). Mais en trois ans d’activité, je n’ai sorti aucun produit en production ! Pour épancher ma frustration, j’ai mis mes compétences de codage à profit en créant des sites internet. Puis, travaillant sur un agrégateur de stocks photo, j’ai rencontré Thibaud Elzière, qui avait créé Fotolia. C’est comme cela que j’ai rejoint le monde de la start-up et que j’ai commencé à entreprendre moi-même.
La mission de Jinka ?
Aujourd'hui, c’est de permettre à l’utilisateur d’avoir tous les biens qui correspondent à ses critères. Ça paraît extrêmement simple et pourtant ! Aujourd’hui, la data dans l’immobilier doit être énormément retravaillée : il y a beaucoup de doublons et d’informations incorrectes. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’acteur technologique à même d’agréger la donnée et de la qualifier - et c’est ce qu’on essaie de faire avec Jinka.
Comment ?
En requalifiant les données des agences et des portails. Comme ces derniers ont des business model construits sur la diffusion payante, les agences immobilières utilisent des biais pour l’optimiser : mettre le même bien dans deux villes différentes, diffuser le même bien plusieurs fois. Avec Jinka, on trie les informations et on les épure.
En repérant et en écartant les arnaques immobilières. La cybersécurité dans l’immobilier est un enjeu majeur, on développe donc avec Jinka des algorithmes de détection anti-arnaques. Ils sont déjà relativement efficaces mais on va monter en puissance sur ce sujet cette année, notamment en raison de l'essor de chatGPT qui facilite la création d’annonces frauduleuses présentant toutes les caractéristiques des vraies. Pour donner un ordre d’idée : chaque jour, on bloque 600 000 notifications pour des annonces qu’on soupçonne être des arnaques.
Léo-Pol : En résumé, ce qui fait la valeur de Jinka, c’est de posséder la technologie qui vous permet non seulement de rassembler toutes les annonces pertinentes pour une recherche, mais en plus d’écarter toutes celles qui ne correspondent pas à une réalité tangible.
Marc : Exactement. Il y a à la fois la dimension algorithmique, pour faire le tri, et la partie applicative, pour que l’expérience soit fluide et simple. J’ajouterai à cela l’expérience de conseil. Notre objectif, c’est également d’aider les utilisateurs à affiner leurs critères de recherche. La plupart du temps, les utilisateurs font cette démarche en tâtonnant et en regardant les biens. Nous, on veut accélérer ce processus, en les renseignant sur les biens existants, les logements (et le niveau de crédit) auxquels ils peuvent prétendre en fonction de leur situation…
Le déclic qui t’a décidé à lancer Jinka ?
Après avoir rencontré Thibaud Elzière, il m’a convaincu de le rejoindre en tant que CTO sur une place de marché qui s’appelait Zilok, une sorte de eBay de la location, présente dans 4 pays, sur 800 catégories. Le principe de la plateforme s'articulait autour de l'idée : louer plutôt que d’acheter. Ça marchait bien mais c’était tout de même assez compliqué d’avoir une masse critique locale, c’est-à-dire assez d'objets pour satisfaire la demande dans un lieu donné. De plus, sur le point particulier de la location immobilière, la réglementation était (et est toujours) assez complexe. Finalement, la plateforme s’est recentrée sur la location de vacances, puis sur la location d’auto, pour devenir OuiCar.
J’ai beaucoup appris de cette expérience : la beauté mais aussi les difficultés de cette activité. C’est d’ailleurs par ce prisme, par la logique de place de marché, que je me suis intéressé de plus près à la location dans l’immobilier. C’est comme cela que j’ai créé LouerAgile, l’”ancêtre” de Jinka.
Léo-Pol : Quelle est la complexité des places de marché selon toi ?
Marc : Construire une place de marché quand on est une start-up, cela revient à créer deux boîtes : une pour la demande, une pour l’offre. En tant qu’entrepreneur, il faut donc réfléchir à des notions compliquées : la masse critique locale, le pricing… Sans compter qu’il faut du temps pour passer un effet de seuil qu’on appelle le “Network effect”, c’est-à-dire l’augmentation de la valeur du service en fonction du nombre d’utilisateurs. Prenons l’exemple de WhatsApp. Aujourd’hui, ce n’est pas l’interface ou la sécurité des échanges qui fait la valeur de la plateforme, c’est son nombre d’utilisateurs. On utilise WhatsApp parce que sa famille, ses amis y sont aussi.
Ce sont ces deux éléments qui complexifient, à mon sens, la création d’une place de marché.
Léo-Pol : À quel moment LouerAgile a passé ce cap (du “Network effect”) selon toi ?
Marc : En 2021, après la crise du Covid, quand on est passé de la location à l’achat et qu'on s’est focalisé sur la recherche sur mobile, le marché le plus porteur (plus de 80% de la recherche immobilière à l’achat). Depuis, on triple de volume chaque année. On élargit aussi notre présence territoriale : d’abord à Paris, puis sur toute la France.
Depuis l’été dernier, le portail Jinka est la première application de recherche immobilière sur l’AppStore !
Le business model de Jinka ?
L’application développe plusieurs services :
Un service de chasseur d’appartement à la location, via l’aide MobiliPass notamment.
L’envoi de leads à des partenaires de la proptech dans le neuf, le crédit immobilier, le déménagement, l’assurance habitation, etc.
Un service Jinka Pro pour permettre aux agences immobilières d’être mieux référencé sur Jinka
Depuis le démarrage, comment le produit a évolué ?
On a d’abord étendu le scope territorial de l’application. Au départ, Jinka ne proposait que des biens à louer à Paris. Depuis, nous sommes présents dans une vingtaine de départements.
Ensuite, on a étendu les activités de la plateforme : on propose des biens aussi bien à la location qu’à la vente.
Enfin, le support du service a changé : au départ, on était présent via une newsletter, puis sur chatbot, et désormais sur application mobile. Cette année, on va ouvrir la possibilité d’accéder au service de nouveau via un ordinateur.
Les évolutions ont été progressives, car cela prend toujours du temps de proposer une expérience utilisateur la plus fluide possible. C’est notre leitmotiv.
La stratégie d’acquisition ?
Principalement le bouche-à-oreille mais également l’excellent niveau d’évaluation de nos utilisateurs, qui nous permettent de bénéficier d’un bon référencement dans l'app Store. J’ai constaté qu’actuellement, on est dans un switch entre le SEO, qui a dominé les stratégies d’acquisition, et l’ASO (NDLR : App Store Optimization).
4 chiffres sur votre activité ?
1,5 million de CA, en étant rentable.
200 000 utilisateurs actifs par mois.
1 million d’inscrit.
entre 2 et 3 millions de notifications par jour.
La structure de votre financement ?
Il y a 4 ans, au lancement, on faisait 0€ de CA. Aujourd’hui nous sommes rentables. Ce qui nous a laissé la chance de pouvoir décliner certaines propositions d’investisseurs qui ne nous semblaient pas opportunes sur le moment.
Le financement, ce n’est qu’un moyen. Notre objectif reste concentré sur la croissance et l’expérience utilisateur. Ce qui est extraordinaire avec l’immobilier, c’est l’impact que cela a sur la vie des gens. C’est un enjeu sociétal immense aujourd’hui, autant sur des questions de cybersécurité que de discrimination. Entrent également en jeu les questions liées aux défis écologiques et énergétiques, avec le DPE et la rénovation des bâtiments… Notre but, c’est donc de continuer à avoir une incidence positive sur un maximum d’utilisateurs.
Léo-Pol : Comment avez-vous prévu d’intégrer ces questions sociétales à l’offre de Jinka ?
Marc : À court terme, pour répondre aux questions liées au DPE, on a mis des filtres pour exclure les passoires énergétiques. À plus long terme, on réfléchit à l’enjeu de la morale des intelligences artificielles. Il faut comprendre que plus on grossit, plus notre rôle sur la visibilité des offres par rapport à une cible d’utilisateur prend de l’importance. On a déjà constaté que les résultats d’un DPE ont un impact sur le prix de vente. Dans le futur, il y a fort à parier qu’ils auront aussi une incidence sur la visibilité des biens. Pour ce qui nous concerne, cela peut être un de nos arguments en faveur de la rénovation énergétique vis-à-vis des propriétaires de passoires thermiques.
Le challenge des 3 prochains mois ?
L’ouverture potentielle à d’autres départements ;
La construction d’une version accessible depuis un ordinateur ;
La consolidation de nos algorithmes en préparation de la saison haute immobilière.
Comment tu vois Jinka dans 3 ans ?
On aimerait “plateformiser” l’immobilier pour aller plus loin dans notre objectif final. Ce qui signifie proposer des parcours intégrés, où la mise en relation avec les agences immobilières est facilitée par Jinka. Il faut donc qu’on fasse en sorte que les candidats à l’achat ne contactent les agences que pour des biens sur lesquels ils veulent (et peuvent) réellement se positionner : on ne proposera ainsi aux agences que des leads qualifiés, dont elles peuvent satisfaire les attentes, dans des délais les plus brefs.
Cette qualification des demandes peut également nous permettre de réorienter vers des solutions alternatives des personnes qui ne sont pas éligibles sur le marché privé. Il y a encore trop de personnes qui cherchent de longs mois alors qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires.
Cela dit, je n’envisage pas Jinka et l’intelligence artificielle comme étant capables de suppléer aux agents immobiliers. Je reste persuadé de leur importance : on a besoin d’acteurs qui connaissent bien le terrain. L’intelligence artificielle peut en revanche leur permettre de se concentrer davantage sur l’humain, en limitant le temps passé sur l’administratif.
Léo-Pol : Vous ambitionnez donc à terme de segmenter la demande ?
Marc : Bien sûr. Aujourd'hui, on propose déjà aux utilisateurs de créer un rapide dossier de location afin de les conseiller et de les aider à cibler les biens auxquels ils peuvent réellement prétendre. C’est d’ailleurs notre apport par rapport à une place de marché classique. On permet à la demande de penser comme l’offre et à l’offre de penser comme la demande. Je te donne un exemple très simple : un locataire qui gagne 2000 € net par mois peut être tenté de postuler pour des appartements affichés à 1000 € par mois. Parce qu’il n’est pas dépensier par ailleurs, parce qu’il a envie d’un peu d’espace etc. Ça fait sens pour lui mais en réalité, il n’a aucune chance de trouver. Pourquoi ? Parce que les propriétaires vont arrêter leur choix sur des candidats qui gagnent 1000 à 2000 € de plus par mois. Peu importe le sérieux de la personne. À l’inverse, les propriétaires sont toujours tentés de surestimer leurs biens quand ils le mettent à la location… C’est un constat récurrent : tout le monde commence par viser au-dessus de ses moyens.
Le rôle de Jinka, c’est de faire la médiation entre ces deux mondes. C’est ce qui est passionnant dans ce métier.
Une anecdote sympa ?
Il y a cette histoire d’un légionnaire tombé amoureux de la ville de Bordeaux qui ne trouvait absolument pas à louer. Pourtant, il était en CDI à 3 000 € net de revenus mensuels. Seulement, son français approximatif lui a fermé de nombreuses portes. Une de nos chasseuses d’appartement s’est dévouée corps et âme pour lui trouver un appartement. À un moment, il s’est trouvé en concurrence sur un bien qu’il adorait avec une étudiante de Paris. Il avait objectivement un meilleur dossier. Mais la propriétaire préférait l’étudiante… Par chance l’agent immobilier a également défendu le dossier du légionnaire en disant que s’il n’était pas choisi elle devrait changer d’agence ! Et elle a eu gain de cause. Cette histoire m’émeut toujours, parce qu’elle va à l’encontre des stéréotypes qui peuvent être véhiculés sur les agents immobiliers. Tous les jours, je rencontre des agents passionnés par l’immobilier. Tous ne sont pas comme ça, mais ça fait du bien de mettre à l’honneur ceux qui remplissent leur fonction avec toute l’humanité que réclame ce métier.
Une grosse opportunité sous-exploitée dans le marché immobilier en France selon toi ?
Il y en a mais modestement je n’ai pas la réponse (rires). Quand les taux vont-ils baisser ? Quand acheter au plus bas, à des taux élevés qui pourront être renégociés une fois qu’ils auront baissé ? Je ne sais pas.
Je pense qu’en fonction de la durée de l’investissement, en fonction de la démographie du lieu (notamment en matière de vieillissement de la population), les stratégies ne sont pas les mêmes. Faut-il envisager l’achat, le viager ? Faut-il miser sur la rénovation énergétique des bâtiments ?
Pour résumer, je dirais que les opportunités du marché immobilier changent en fonction de ses objectifs, de ses moyens… et pour les trouver, c’est à chacun d’interroger sa situation.
Le mantra qui te met Super biens ?
Je n’ai pas de mantra spécifique mais je répète souvent : “Arrêtez de vous concentrer sur les solutions, concentrez-vous sur les problèmes”. C’est grossièrement tiré d’une citation d'Einstein : “Si j’avais une heure pour sauver le monde, je passerais 55 minutes à analyser les problèmes et 5 minutes sur la solution”. Je préfère passer beaucoup de temps à définir les problématiques, à chercher à nous accorder sur les problèmes. Ça nous évite de nous disputer puisqu’on est sûr de parler de la même chose. Et une fois que les problématiques sont bien connues, les solutions vont d’elles-mêmes, de la plus simple à la plus compliquée.
Autre chose que tu aimerais me partager ?
Entreprendre est quelque chose de passionnant, entreprendre dans l’immobilier, encore plus que ce que j'imaginais ! Je ne suis pas quelqu’un qui baignait à l’origine dans l’immobilier. C’est très complexe, il y a beaucoup d’acteurs en jeu. Mais plus je connais ce métier, plus je l’adore. Notamment parce qu’il regroupe une communauté qui veut participer activement au challenge du monde de demain.
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