Bienvenue dans cette 39ème édition de Super biens - Des interviews au cœur de l’immobilier.
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La mission de Bricks.co ?
Si je devais résumer, chez Bricks.co, on a pour mission d’apporter de la simplicité à l’investissement immobilier. On souhaite le démocratiser, le rendre accessible à tout le monde, c’est-à-dire :
D’abord, rendre l’investissement immobilier accessible financièrement. Aujourd’hui, 50% de la population n’y a pas accès parce qu’elle ne peut pas bénéficier d’un crédit.
Ensuite, rendre l’investissement immobilier accessible d’un point de vue “administratif”, notamment par le biais de la digitalisation. Encore trop de personnes sont rebutées par la complexité de l’investissement immobilier : il faut trouver le bon bien immobilier, s’assurer qu’on ne se fait pas avoir, négocier un prêt auprès des banques qui sont très frileuses en ce moment, débourser un apport dont la somme aurait pu servir à des vacances ou autres… Toutes ces étapes donnent le sentiment d’un parcours du combattant, d’autant que la digitalisation est très peu présente dans ce parcours. On en est encore à l’âge de pierre !
Le cheminement qui t’a décidé à lancer Bricks.co ?
À titre personnel, je crois beaucoup au “Founders Market Fit”. On met beaucoup en avant le « Product Market Fit », c’est-à-dire le fait que tel produit proposé doit répondre à tel besoin exprimé. C’est vrai mais je pense qu’à côté de ça, il faut que le fondateur soit un passionné pour rester motivé et concentré sur la réussite de sa boîte. Il y a quelques années, j’ai monté une société dans le domaine de la pharmacie en ligne. Au bout de 5 ans, je l’ai revendue. Pourquoi ? Parce qu’au bout de 3 ans, j’arrivais tous les matins au boulot avec la boule au ventre. Je devais pitcher 10 fois par jour une société qui évoluait dans un secteur d’activité qui ne me passionnait pas.
Léo-Pol : Tu pourrais nous dire le nom de cette boîte ?
Cédric : Oui bien sûr, il s’agissait de 1001pharmacie.com. Comme je te le disais, je l’ai revendue après quelques années, pour à peu près 8 millions d’euros. Avec l’ouverture aux investisseurs extérieurs, j’ai perçu un peu moins de 10% du capital de revente. Ce n’est pas la big success story mais c’était quand même une belle opération ! Pour placer mon épargne, j’ai commencé à investir dans l’immobilier. Je me suis bien pris au jeu… tout en étant très frustré ! Alors que je trouvais de belles opportunités d’investissement, que ce soit en termes patrimoniaux ou de cash-flow (toutes mes opérations étaient de loin en cash-flow positif), mon banquier refusait de me prêter l’argent nécessaire. J’avais beau arriver avec un dossier hyper solide, prouver la viabilité économique de l’investissement, lui démontrer les possibilités de revenus locatifs qui pourraient couvrir les traites, etc… c’était non. J’étais au maximum de ma capacité d’endettement, j’avais trop d’encours chez eux… Bref, toutes les raisons étaient bonnes pour ne pas m’accompagner. Je trouvais le raisonnement de mon banquier complètement absurde mais j’étais bloqué. Donc j’ai commencé à réfléchir aux solutions pour contourner ces obstacles. J’ai par exemple proposé à des amis de faire “pot commun” pour investir ensemble, sans beaucoup de succès.
Puis, en creusant un peu plus, je me suis rendu compte qu’une grosse tranche de la population se tournait vers la bourse ou la cryptomonnaie plutôt que vers l’immobilier. C’est le cas des free-lance par exemple, souvent exclus de l’emprunt immobilier parce que leur situation est jugée instable par les banques. Ce qui les attirait vers ces placements, c’était la digitalisation. Ils pouvaient très facilement investir via des applications, sur des produits pourtant risqués et volatiles.
Quand j’ai réalisé qu’on pouvait faire le même travail de simplification concernant l’investissement immobilier, j’ai commencé à poser les bases de Bricks.co ! Cette boîte est donc née d’un process itératif. Cela dit, le plus important à retenir, c’est qu’elle n’aurait pas vu le jour si l’immobilier ne m’avait pas passionné. Je peux passer mes dimanches après-midi à chercher des pépites immobilières. Même si je ne vais pas investir finalement, ce n’est jamais du temps perdu pour moi.
Votre stratégie d’acquisition ?
Ce qui marche beaucoup pour nous c’est la prescription et la recommandation.
Au départ, on a recruté pas mal d’investisseurs grâce à notre message, assez contradictoire avec ce que les investisseurs ont l’habitude d’entendre à propos de l’immobilier. Quand on annonce “Investissez dans l’immobilier à partir de 10 euros”, on suscite forcément la curiosité. Les gens s'interrogent et testent le produit même s’ils ont parfois peur d’une éventuelle arnaque (rires). Finalement, ce n’est que 10 euros ! Ce modèle nous a permis de casser les barrières à l’entrée de l’investissement immobilier : les potentiels investisseurs n’ont pas peur de confier leurs économies à une société qu’ils ne connaissent pas parce qu’on part sur de petits montants. C’est ce qui nous différencie d’une société de crowdfunding immobilier par exemple, qui demande de mettre 1000 euros minimum dans une entité dont on ne connaît ni les acteurs ni le modèle économique…
Au fur et à mesure, on a de plus en plus recruté grâce aux recommandations. Quand nos premiers investisseurs se sont rendu compte que nous étions une société de confiance, que leur argent était bien investi dans des opérations immobilières, qu’ils en tiraient des revenus intéressants, ils ont parlé de nous autour d’eux. Aujourd’hui, 30% de nos clients viennent par le bouche-à-oreille. En revanche, on a très peu travaillé notre stratégie SEO, qui représente 5% de notre acquisition aujourd’hui mais on est en train de changer cela. Tout le reste, c’est de l’acquisition payante sur les canaux classiques : Google Ads, Facebook Ads, etc…
Comme votre ticket d’entrée est très faible, comment vous organisez-vous en interne pour structurer l’activité ?
Avec le flux de contacts entrants très importants, on s’est structuré autour d’un service clientèle conséquent. C’est notre plus gros pôle en interne : il représente 10 personnes. Elles passent leurs journées à répondre à de potentiels investisseurs qui souhaitent comprendre le modèle avant d’éventuellement aller plus loin.
Ce qui explique que nous n’avons pas une équipe support pléthorique, c’est qu’on est parti sur un modèle juridique très innovant, pour ne pas dire inédit dans l’immobilier : on fonctionne avec un système de royalties. Avec ce modèle, nos investisseurs n’achètent ni une fraction d’un immeuble, ni des actions d’une société qui possède un immeuble mais un flux de revenus. Ils achètent une fraction des revenus à venir sur l’immeuble. Ce qui est intéressant, c’est que, comme l’investisseur n’est ni propriétaire ni actionnaire, on évite toutes les lourdeurs administratives : il n’y a pas de bulletins de souscription à signer, pas de CERFA à renvoyer à l’administration fiscale… Donc on limite de fait nos besoins en ressources humaines pour gérer tout ce volet. C’est aussi ce qui nous permet de proposer une mise d’entrée aussi faible.
Votre business model ?
Là encore, on se distingue de ce qui se fait habituellement en immobilier. Notre service est “neutre” financièrement pour les investisseurs puisque ce qu’ils achètent, c’est une future rentabilité de l’ordre de 8% en moyenne à l’année, nette de frais.
Nos frais sont classiques : on va prendre des frais sur l’acquisition d’un bien immobilier et des frais de property management (gestion locative).
Notre commission s’élève à 10% lorsqu'on achète le bien immobilier. On se rémunère ensuite sur la valeur de l’immeuble, en ponctionnant un frais de 1% par an. Pour donner une équivalence, cela représente à peu près 10% des loyers collectés. C’est un peu plus qu’une agence immobilière traditionnelle, qui se situe autour de 7 ou 8% des loyers collectés, mais notre service est plus complet. On assure toute la comptabilité, tous les flux financiers de revenus… Globalement, on a des revenus nets un peu moins importants qu’une agence immobilière traditionnelle. Notre rémunération va donc essentiellement porter sur notre capacité à faire du volume et à assurer des investissements avec de très gros rendements. C’est une des raisons pour lesquelles on ne mise pas forcément sur l’acquisition d’immeubles en plein centre de Paris. La rentabilité n’est pas suffisante. On privilégie le patrimoine immobilier des villes intermédiaires, qui ont entre 15 000 et 100 000 habitants, d’un montant de 1 à 5 millions d’euros. Pour nous, c’est dans cette fourchette que les rentabilités sont les plus hautes. Au-dessus d’un million d’euros, peu de particuliers peuvent acheter et en dessous de 5 millions d’euros, ce sont des tickets trop bas pour les SCPI ou les fonds d’investissement. La demande est donc assez limitée pour ces immeubles-là, ce qui explique qu’on arrive à bien négocier l’acquisition et qu’on fait, in fine, de bonnes affaires.
Quelle est la typologie des biens que vous achetez ?
On a commencé en 100% résidentiel mais on se diversifie petit à petit vers le commercial. Pour trois raisons :
Le commercial offre des flux locatifs bien plus pérennes dans la durée : quand on a par exemple un locataire qui s’appelle Carrefour City, on est à peu près sûr de signer un bail ferme de 6 ans et d’obtenir les loyers en temps et en heure. Le risque d’impayés dans la location résidentielle est bien plus important.
La rentabilité de l’immobilier commercial est souvent plus importante que celle de l’immobilier résidentiel. En revanche, le résidentiel prend plus facilement de la valeur dans le temps. On peut facilement faire une plus-value à la revente de l’ordre de 3 à 5% en quelques années. Dans le commercial, la valorisation de l’immeuble est plutôt liée à la qualité du locataire : la nature du bail, le montant des loyers etc…
On a monté une filiale résidentielle au Portugal : depuis une dizaine d'années, les immeubles à Porto et à Lisbonne gagnent 7 à 10% tous les ans ! En France, on privilégie donc l’immobilier commercial.
Sur nos 50 millions d’actifs, on a 40 millions d’actifs dans le résidentiel.
Léo-Pol : J’étais à Lisbonne il y a un an et j’ai bien constaté ce que tu me dis sur le marché résidentiel portugais. Les prix des AirBnB étaient presque équivalents à ceux qu’on trouve à Paris ! Des amis installés depuis 4 ou 5 ans ont vu le prix de l’immobilier exploser…
Cédric : Oui, ça a vraiment explosé depuis 10 ans. Malgré tout, quand tu te balades au Portugal, tu peux encore souvent voir des immeubles délabrés.
Léo-Pol : Yes, notamment à Porto !
Cédric : Oui tout à fait ! En fait, il n’y a pas encore le plein potentiel d’investisseurs étrangers et le pouvoir d’achat des Portugais n’est pas toujours suffisant pour racheter et rénover ces immeubles délabrés, surtout dans un marché haussier. Ça crée de très belles opportunités à la rénovation, malgré l’explosion des prix. La plupart des investisseurs étrangers, allemands, anglais, français, veulent des biens clé en main. Ils n’ont pas envie de gérer des travaux à distance… Notre pari, c’est de nous dire : OK les prix ont pratiquement doublé en 10 ans mais il reste des pépites pas cher à rénover. En plein centre de Porto, on peut encore acheter des biens à 2 500 euros du m2 ! À Lisbonne, on déniche des opportunités à 3 500 euros au m2 alors que les prix peuvent aller jusqu’à 6 000 euros au m2. Si on part du principe que Lisbonne a le potentiel de rattraper les autres capitales européennes, le prix des travaux engagés sera amorti et même largement compensé. D’autant que tous les programmes pro-retraités, pro-start-upers, qui exonèrent d’impôts pendant 10 ans ceux qui investissent dans l’immobilier au Portugal, aident bien !
4 chiffres sur votre activité ?
Je suis assez transparent avec les chiffres, dans la mesure où c’est ce qui permet à la communauté de continuer à nous faire confiance.
45 collaborateurs ;
Un lancement il y a 18 mois ;
50 millions d’euros d’immeubles ;
250 000 inscrits sur la plateforme ;
Rentables dès le premier jour ;
On vise les 8 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2022
Quelle est la structure des fonds de Bricks.co ?
Comme je te le disais, quand j’ai créé ma première boîte, je sortais de mes études et j’ai fait entrer beaucoup d’investisseurs externes. Il me restait moins de 10% de l’actionnariat à la fin : en conséquence, je n’avais plus du tout le contrôle et la décision sur ma société.
Je ne voulais pas reproduire ce schéma avec Bricks.co donc j’ai fait ce que je ne recommande pas nécessairement aux autres entrepreneurs : j’ai mis tout mon capital dans ma boîte. J’y croyais énormément, j’ai pris le risque de miser 300 000 euros au lancement pour me développer sans investisseurs privés.
Depuis, on a réalisé une levée de fonds avec la communauté : on a rassemblé 13 millions d’euros !
La plus grosse claque que vous avez prise depuis vos débuts ?
C’est la difficulté en start-up : des claques on en prend tous les jours (rires) ! C’est très facile d’avoir l’adrénaline de la croissance super rapide. C’est un peu moins facile de prendre des claques mais c’est formateur ! Ça permet de savoir si l’équipe a les reins solides pour pouvoir repartir de l’avant.
La plus grosse de nos claques, on l’a prise d'avril à juillet dernier, quand certains des investisseurs utilisant la plateforme ont commencé à perdre confiance. La levée de fonds dont je t’ai parlé a été assez inédite et particulièrement impressionnante. On a collecté 20 millions d’euros en 10 jours ! À la fin de la levée, l’AMF m’a contacté en me disant : “Ça ne relève pas de notre juridiction mais on est très mal à l’aise vis-à-vis du fait que 11 000 personnes aient investi dans votre société à travers un système de royalties. Parce que le jour où vous faites faillite, ce sont autant de personnes qui peuvent venir nous reprocher de ne pas avoir fait notre boulot.” Ils m’ont clairement fait comprendre que c’était dans mon intérêt de changer les conditions de la levée pour passer les fonds sous un système d’actionnariat.
Léo-Pol : Ça pose effectivement un énorme souci de communication vis-à-vis de la communauté !
Cédric : Oui ! Sans compter que l’AMF a aussi bridé notre capacité de levée auprès d’un public non averti à 8 millions d’euros ! Il y a donc eu un double effet bad buzz. Il a fallu qu’on communique sur le fait qu’on agissait dans un ordre contraire à ce que nous demandait l’AMF d’un point de vue juridique. D’un autre côté, on a dû annoncer qu’on devait rembourser 7 des 15 millions qu’on avait récolté auprès d’investisseurs non avertis. Forcément, ça soulève des questions. Or la confiance, c’est le premier asset dans une activité d’investissement ! La force qu’on a eu, c’est d’avoir été totalement transparent sur la situation pour prouver qu’on était capable de la surmonter. On a donné toutes les informations à nos investisseurs pour qu’ils puissent se faire leurs propres opinions, leurs propres analyses de risque, sans leur laisser le loisir de la libre interprétation du pire. Ça a mis du temps, mais on est enfin sorti de la crise.
Comment tu vois Bricks.co dans 5 ans ?
Si je prends une timeframe un peu plus longue que 5 ans, je pense qu’on va aller vers une digitalisation de l’immobilier, vers un modèle de “property as a service”. À terme, je vois tous les biens immobiliers digitalisés sur des plateformes. Ils auront tous été intégrés dans des sociétés et seront connectés à des banques, digitales elles aussi. En un clic, l’investisseur pourra obtenir un crédit immobilier pour obtenir une fraction d’un bien immobilier, devenir propriétaire, être directement prélevé à échéance sur le compte renseigné sur la plateforme pour rembourser le crédit. 3 ou 5 ans après, il pourra quitter aussi simplement sa propriété : il lui suffira de revendre ses fractions de la même manière. On ne passera plus jamais devant un notaire pour acheter un bien immobilier, puisque le bien en lui-même ne quittera jamais la société. Ça permet de faire des économies !
Avec ce système, l’épargne se construit au fil de l’eau et surtout, ça va beaucoup plus vite. Fini les 6 mois pour trouver une propriété, fini les 6 mois pour la revendre (et ce dans le meilleur des cas !). On libère les investisseurs d’un marché immobilier qui n’est jamais vraiment très liquide, qui est cadenassé par des intermédiaires qui n’apportent pas toujours de la valeur (comme les agents immobiliers actuels ou les notaires)... Un peu sur le modèle des programmes informatiques qui permettent aux usagers de s’abonner quelques mois, uniquement pour le service rendu. C’est une vision assez forte de l’immobilier : la digitalisation qui permet de ne payer que l’immobilier que l’on consomme.
Le mantra qui te met Super biens ?
Avec le modèle qu’on propose, on entre en disruption avec deux professions assez sclérosées : les notaires et les agents immobiliers. C’est vraiment ça qui nous caractérise chez Bricks.co : notre mantra d’ambition qui nous pousse à toujours dépasser l’existant. On veut viser Mars, parce que la Lune, c’est déjà fait !
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